dimanche 31 mai 2015

L'expo de Jodo dans S-O

Jodorowsky aux 1000 facettes
dans Sud-Ouest par Anne Maisonneuve

D'Alejandro Jodorowsky, on pourrait dire qu'il est insaisissable. Son œuvre prolifique n'a que faire des carcans étroits qui cantonnent d'habitude tel individu à telle catégorie et qui voudrait de la sorte que l'on soit scénariste de bande dessinée ou mime et peut-être à la rigueur poète, mais rarement tout cela à la fois.

En fait, Alejandro Jodorowsky est tout ça et bien plus encore...
il est « un créateur multiple qui a touché de manière compulsive presque tous les médiums : la BD, la littérature, la poésie, le cinéma, la chorégraphie, le théâtre, la performance, le tarot et la psychomagie », rappelle María Inés Rodríguez, la directrice du CAPC, musée d'art contemporain de Bordeaux. Pour tenter de refléter au mieux cette diversité (et comme un clin d'œil à sa passion pour la cartomancie), la scénographie a été confiée à l'architecte grec Andreas Angelidakis, qui a imaginé une architecture labyrinthique inspirée des vingt-deux arcanes du tarot.
En parcourant la grande nef, on tombe sur des espaces baptisés l'Amoureux, le Pendu, le Fou, la Tour, le Chariot, la Mort ou l'Ermite. L'espace de la Tempérance, l'arcane de l'échange, est par exemple dédié à la littérature. Matérialisé en cube aux murs transparents, il abrite un coin lecture où chacun peut s'asseoir et parcourir dans différentes langues les livres que Jodorowsky a écrits sur la poésie ou la psychomagie, notamment, une discipline qu'il a inventé il y a plusieurs années et qui vise à délivrer les individus de certains blocages inconscients.

Panique
Privilégiant une déambulation thématique à une construction chronologique, le parcours rétrospectif s'offre comme un kaléidoscope atmosphérique. Un brin sombre avec Panique, le mouvement actionniste que Jodorowsky a fondé dans les années 1960 avec Fernando Arrabal et Roland Topor, notamment. Leurs actions et happenings s'inscrivent dans le sillage de Luis Buñuel ou Antonin Artaud (théâtre de la cruauté) et étendent leurs territoires au théâtre et à la poésie. Utopique avec son projet qui ne verra jamais le jour, une adaptation cinématographique de Dune, le roman de science-fiction de l'Américain Franck Herbert. Pour ce long-métrage, l'auteur de L'Incal avait imaginé un casting d'exception avec Orson Welles, Dali, Mick Jagger et Amanda Lear.
L'auteur de BD Moebius se chargeait du script, la musique revenait à Magma, les décors à l'artiste plasticien suisse Giger. Le trône gothique de la Maison des Harkonnens qu'il a fabriqué est d'ailleurs exposé aux côtés de dessins. L'ensemble nous plonge dans la genèse de cette œuvre pharaonique.
L'univers cinématographique se prolonge à la faveur de documents en tout genre, dessins, bande originale et affiches retraçant la carrière du réalisateur chilien : de son premier long-métrage, Fando et Lis (1968), soutenu par Polanski, à son plus récent La Danse de la réalité (2013) en passant par le cauchemardesque Santa Sangre (1989) coécrit avec le frère de Dario Argento (le maître du giallo), La Montagne sacrée (1973).

Midnight movie
Et puis il y a El Topo (1970), un western surréaliste tourné aux États-Unis et au Mexique qui a bénéficié de l'enthousiasme de John Lennon et Yoko Ono, avec sa séance de minuit culte à New York, au cinéma The Elgin. Ce « midnight movie » devient aussi mythique et emblématique que ses confrères de la catégorie, La Nuit des morts-vivants de George A. Romero ou The Rocky Horror Picture Show de Jim Sharman. Ailleurs, les visions hallucinées accompagnent une série de dessins réalisée à quatre mains avec sa compagne, Pascale Montandon.
Plus loin, des échos sentimentaux nous parviennent avec la diffusion de quelques-uns de ses « tweets d'amour ». Grand adepte de cet outil de microblogage, Jodorowsky l'approche comme un nouveau terrain d'expérimentation littéraire.
Devant le succès de ses concentrés de messages ne dépassant pas 140 caractères, l'octogénaire, qui compte plus d'un million d'abonnés, publie en 2013 « 365 tweets de sagesse » et ce mois-ci « 365 tweets d'amour ». Morceaux choisis : « Si tu peux caresser une pierre avec la même tendresse qu'un chat tu as découvert l'amour. » « Jalousie : je veux que ma bien-aimée renonce à trouver chez un autre ce que je ne peux lui donner et qu'elle accepte la satisfaction d'être insatisfaite avec moi. »

Exposition visible jusqu'au 31 octobre. CAPC musée d'art contemporain.
Tous les jours, 11 h-18 h (20 h les mercredis) sauf lundis et jours fériés (ouvert les 14 juillet et 15 août). 3,50-6,50 €. 05 56 00 81 50. Projection exceptionnelle vendredi 19 juin à minuit d'El Topo dans la nef du CAPC.
"Il compte plus d'un million d'abonnés pour ses tweets d'amour, qu'il approche comme un nouveau terrain d'expérimentation littéraire"

La nef du CAPC a été aménagée de façon à déambuler d’une discipline à l’autre abordée dans l’œuvre protéiforme d’Alejandro Jodorowsky. Ses films seront projetés, dont le cultissime El Topo. De Dune ne reste qu’un trône gothique. 

Les cartes de tarot, essentielles pour suivre l’artiste, serviront d’introduction aux différents univers, dont une grande part de dessins.

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