« Certains tombent, d’autres les relèvent »
« Je suis arrivé à Istanbul le soir du samedi 15 juin. Je n’ai pas de
plan, je ne connais pas la ville. Je croise des gars qui courent en
poussant un brancard avec un mec inconscient dessus. Les chats filent
dans tous les sens. La foule devient très compacte. J’aperçois ce qui me
semble être la place Taksim mais je ne vois pas bien. Trop de foule et
de fumée devant.
Il y a un mélange étonnant de sons : appel à la prière, sirènes de
pompiers, de police, coups de sifflet, slogans des manifestants,
détonations... C’est fou, malgré cette atmosphère de chaos, il y a
encore des parents et leurs enfants...
Au détour d’une rue trois jeunes me demandent une cigarette. J’ai que
des roulées, ils grimacent. Je leur montre comment on fait. Ils ne
parlent que turc, alors pour se comprendre, on se débrouille en
mimant...
La police vient dans notre direction. Là, tout le monde court et
s’enfonce dans les ruelles. Cent mètres plus bas, des gens boivent
tranquillement assis sur des terrasses. Quelques-uns tombent, d’autres
les relèvent. J’ai rien pour me protéger des gaz. Je décide de rentrer.
J’y retournerai demain si c’est plus calme pour discuter...
Le lendemain, les rues sont propres et vides. La place Taksim n’est
peuplée que de journalistes et de policiers. Des camions nettoient la
place. Des gens remettent des rouleaux de gazon dans les espaces
verts... Je m’assois dans un coin pour dessiner. Les policiers me
regardent amusés et me laissent faire. »
Propos recueillis par Marion Quillard pour XXI
Je suis né en 1986, à Saint-Étienne. Je voulais être dresseur de tigres,
finalement j’ai démarré des études scientifiques, que j’ai vite
arrêtées pour faire de la BD. J’ai suivi le cursus évolutif classique :
fanzine, auto-édition, édition... Après la sortie de Manolis aux
éditions Cambourakis au printemps 2013, j’ai passé l’été en Turquie à
vadrouiller dans le pays, en repérages pour ma prochaine BD. Hasard des
événements, j’ai débarqué là-bas en plein tumulte...
J’y ai appris beaucoup de choses, mais toujours pas à dresser les
tigres.
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