jeudi 22 juillet 2010

Des bulles dans le vin

Sud-ouest, par Yannick Delneste

Éric Corbeyran et Espé travaillent sur Médoc, une saga dans le monde du vin.

Dans l'atelier de Corbeyran, cours Balguerie à Bordeaux. Photo Thierry David

Alexandra pose un pied sur le tarmac de l'aéroport de Mérignac. La jeune femme arrive de New York où elle vit. Son père vient de mourir, laissant les vignes familiales du Château Chêne Courbe dans l'expectative. Elle annonce son intention de reprendre la gestion du domaine, mais ses deux frères ne semblent pas du même avis. La sœur va devoir faire ses preuves dans un monde volontiers masculin mais dont surtout elle s'était éloignée. Intrigues familiales, querelles de pouvoir, fantômes du passé : dès le premier tome de Médoc (1), tous les ingrédients de la saga sont là.
Au scénario, le Bordelais Éric Corbeyran. Au dessin, l'Ariégeois Sébastien Portet, alias Espé. Il y a quelques mois encore, des ignares en pinard. Aujourd'hui des initiés, pas encore des cadors mais ça va venir… Comment les deux hommes se sont-ils retrouvés à dessiner des chais et à imaginer des sombres rancunes au milieu des vignes ? Jacques Glénat, PDG de la maison d'édition du même nom.

Consultants de luxe
« Je le connais depuis dix ans », explique Corbeyran. « Grand amateur de vin et de bonne chère, il m'a suggéré un jour l'idée d'une saga familiale dans le milieu du vin. Je lui ai objecté que je n'y connaissais rien, mais cela ne l'a pas dissuadé ! » Dans la tête de Glénat, la réussite de la bande dessinée écrite par Jean Van Hamme Les Maîtres de l'orge, illustrée par Francis Vallès : huit tomes dévolus la famille Steenfort sur plusieurs générations, de la brasserie artisanale à la multinationale de la bière.
« On n'en est pas là », sourient Corbeyran et Espé. Les compères terminent l'encrage du premier tome de Médoc, dont la sortie est programmée au début de l'année prochaine. Pour se plonger dans l'univers du vin et le retranscrire avec cohérence et justesse, il fallait de bons guides. Le scénariste a donc contacté des pointures : Michel Rolland dans son labo de Pomerol, Florence et Daniel Cathiard chez Smith Haut Laffite (Pessac-Léognan), Céline Villars-Foubet, propriétaire de Chasse-Spleen, ou encore le négociant bordelais Allan Sichel.
« J'ai consulté des représentants de tous les corps de métier, fait relire l'histoire et les dialogues par ces références », poursuit Éric. « Il s'agissait de ne pas se louper. » Et le Candide assumé de s'enthousiasmer sur ce « monde complexe où se conjuguent la passion, la technique et la finance. »
Avec Espé, ils ont visité aussi des dizaines de domaines, amassé les photos, les entretiens. « Le château que j'ai imaginé est logiquement un mix de plusieurs », renseigne Espé. Les connaisseurs reconnaîtront là quelques tours, ici l'architecture d'un chai. Et les autres devraient y croire, simplement.

Du fantastique à la saga
Corbeyran-Espé : le tandem n'en est pas à son coup d'essai. Pour son album Paroles de taule il y a dix ans, Corbeyran avait choisi le jeune sudiste. « J'aime son dessin classique, sensible, extrêmement narratif et qui s'affine d'album en album », dit le scénariste. « C'est à la fois un chef opérateur, un metteur en scène et un musicien. » De Corbeyran, Espé admire le sens du récit et du dialogue, sa faculté à emmener le lecteur dans l'histoire et à ne plus le lâcher.
Se rejoignant sur le thriller fantastique, les deux plumes ont sorti les six tomes de « Le territoire », mais aussi les deux volets du Troisième œil (2008), dont l'intrigue futuriste se déroule à Bordeaux.

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