vendredi 12 mars 2010

Soirée à l'utopia

Pas pu aller au concert de Fuck on, mais j'ai acheté ma place hier pour Les chats persans à l'Utopia (j'l'ai déjà vu, et j'ai même acheté la BO). Un panorama des styles musicaux pop/rock au coeur de l'Iran underground... De la musique interdite... il n'y a qu'un pas vers le rébétiko !
   
sur le site de l'Utopia :
Soirée Ciné-BD autour de David Prudhomme
Pour fêter le Prix Regard sur le monde qu'il vient de recevoir au Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême pour son superbe album Rébétiko, la mauvaise herbe.


Soirée organisée avec la librairie BD Fugue.
Projection unique du film Les chats persans suivie d'une rencontre avec l'auteur-dessinateur.

LES CHATS PERSANS
(Kasi az gorbehaye irani khabar nadareh = On ne sait rien des chats persans) Bahman Ghobadi - Iran 2009 1h46mn VOSTF - avec Negar Shaghaghi, Ashkan Kooshanejad, Hamed Behdad... Scénario de Bahman Ghobadi, Roxana Saberi et Hossein M. Abkenar.
Il y a des films qui vous mettent la pêche et Les chats persans est de ceux-là. C'est plutôt rare dans le cinéma iranien, qui d'habitude nous donne des films plus en retenue, intimistes voire austères. Changement de cap aussi pour le réalisateur, Bahman Ghobadi, dont les œuvres précédentes nous emportaient dans les grands espaces du Kurdistan iranien (un temps pour l'ivresse des chevaux, Les chants du pays de ma mère, les tortues volent aussi). Il délaisse cette fois sa contrée natale pour nous faire découvrir Téhéran tel qu'on ne l'avait probablement jamais vu au cinéma. Cela essentiellement grâce à la musique, qui est l'âme du film, et aux jeunes Iraniens qui l'utilisent comme moyen d'exprimer leur rébellion. C'est le Téhéran underground qui vit sous nos yeux : des lieux cachés, des musiciens qui jouent à l'abri des regards, dans des caves, des granges, sur des toits, des immeubles en construction… Partout cette musique est synonyme de révolte et de liberté. Malgré la chape de plomb qui pèse sur l'Iran, le film est traversé de bout en bout par une énergie viscéralement positive et ça fait un bien fou.
Negar et Ashkan, deux jeunes musiciens, sortent tout juste de prison. Tous deux sont à l'image de cette jeunesse iranienne qui cherche à exister dans un pays cadenassé par le régime islamiste. Ils aimeraient évidemment jouer en public mais ils savent bien que c'est impossible. Ils décident malgré tout de monter un groupe, tout en essayant de se procurer des papiers pour sortir du territoire. C'est ainsi qu'ils tombent sur Hamed, un tchatcheur et combinard né. Le genre de gars qui connaît tous le monde, vit de combines à gauche à droite grâce à sa gouaille phénoménale, qui en fait trop mais qui emporte la sympathie par sa sincérité et sa générosité. Commence alors une course à travers Téhéran, à la rencontre d'autres musiciens qui pourraient les rejoindre. Leur objectif : monter ce fameux groupe des Chats Persans, et organiser un concert clandestin pour financer leur fuite vers l'Europe.

Quand on sait que le film a été tourné en dix-sept jours et clandestinement dans les rues de Téhéran, et que le gouvernement iranien a tout fait pour que le film ne soit pas sélectionné au Festival de Cannes (en vain, puisque Les Chats persans a bel et bien été présenté en sélection parallèle et qu'il a remporté le Prix Un Certain regard !), on comprend que l'énergie qui déborde de chaque image est un grand cri du coeur pour la liberté d'expression. Dans ce manifeste musical, on est aux côtés de tous ces jeunes qui cherche à s'émanciper, à prendre leurs distances avec le régime ultra-conservateur. On les imagine évidemment parmi la foule qui a manifesté dans les rues après les dernières élections factices.Baham Ghobadi capte magnifiquement cette urgence, cette faim de liberté, cet enthousiasme de la transgression. Sa caméra ne lâche pas ses personnages, elle court, elle joue, elle respire avec eux. Certaines séquences sont quasiment tournées comme des clips musicaux, mais l'image n'est jamais lisse, jamais artificielle, elle garde ce côté brut qui fait tout le prix de ce film ancré au plus profond de la réalité iranienne, et plus spécifiquement téhéranaise.Ajoutons pour les amateurs de musique(s) que Les Chats persans offre en la matière une richesse, une diversité extraordinaires : on passe du rock à la musique traditionnelle, de la pop à l'électro, du rap au métal… Autant de rythmes, de mélodies, de pulsations qui irriguent la ville et la font vibrer.


Rébétiko, la mauvaise herbe
Le rébétiko, késaco ? Dans les années 1930, c'était une musique populaire, mal élevée, tripale, frondeuse, qui faisait chavirer les quartiers mal famés d'Athènes. En une journée et une nuit d'octobre 1936, armés d'un bouzouki dont ils tirent des rythmes hypnotiques ou des lamentos déchirants, mis en condition et inspirés par le haschich qu'on fume intensivement dans les tékés (bars clandestins), Markos, Stavros et les autres, virtuoses-nés et glandeurs grandioses, un peu dandys, un peu voyous, ne craignent ni la castagne, qui tient du rituel, ni la chasse à l'homme acharnée que mènent contre eux les sbires du dictateur au pouvoir, le général Metaxas. De bout en bout, le dessin joint littéralement le geste à la parole : c'est de la vie en mouvement, en perpétuel (dés)équilibre, changeante comme la lumière, dansante, d'une énergie euphorisante. Avec Prudhomme, la musique n'a pas qu'une âme, elle s'incarne dans les pleins et les déliés des corps qu'elle habite au sens le plus fort du terme. Rébétiko est son chef-d'œuvre.
Jean-Claude Loiseau. Télérama

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