mardi 19 janvier 2010

Grun, dessinateur artiguais entre histoire et anticipation


Article du sud-ouest de ce mardi.

Qu'y a-t-il de commun entre Rosa Parks, Gironde Habitat, le cardinal de Richelieu, une ville du futur sans nom et les arts martiaux ? Grun, alias Ludovic Dubois.



« Le pseudo remonte à l'enfance, je me l'étais choisi », dit-il évasif. On n'insiste pas. Il est 10 heures, Martigues grelotte mais le café du dessinateur est bien chaud.

L'appart de la rue Rosa-Parks (premier indice !) est neuf ou presque, au coeur d'un nouveau petit quartier à quelques encablures du centre-bourg. Un an que ce garçon de 38 ans en a fait son chez lui et son atelier de travail. Double tranchant : on est à la maison mais tout le temps au boulot. « J'ai hésité entre travailler ici et intégrer une structure avec d'autres dessinateurs, mais je suis finalement bien », dit-il, crayon à la main.

Préface de Bilal
Il renforce quelques cases d'une planche. On y distingue sur le coup de 10 h 15 une ville mystérieuse, à l'urbanité étouffante qu'on devine dans un futur proche (deuxième indice !). Un futur oppressant, des architectures qui ne sont pas sans rappeler un certain Enki Bilal. Sur le bureau trône justement une des premières éditions de « La Femme piège », album-clé (écrit avec Pierre Christin) pour nombre de fondus de BD. « C'est une référence bien sûr. J'ai immédiatement adoré son univers sans héros mais une puissance d'évocation impressionnante. »
Grun boucle ces jours-ci les dernières planches de « Métronom' », l'album qu'il a conçu avec le Bordelais et luxuriant Eric Corbeyran. Un futur proche, un régime totalitaire, une planète où les déchets sont envoyés dans des décharges spatiales. Lynn n'a justement pas de nouvelles de son mari, parti en mission de routine. Elle apprend que lui et son équipage ont été touchés par un virus et mis en secrète quarantaine. Un journaliste séditieux va aussi mener l'enquête...
Sortie en mars. Et Bilal écrira la préface de « Métronom' ». « C'est énorme et ça met une sacrée pression », sourit Ludo. « Et puis là, je suis complètement dans ce qui me passionne : l'anticipation. » Si aujourd'hui Glénat a fait confiance à Grun sur cette fresque dont plusieurs tomes sont déjà prévus, c'est évidemment l'aura du scénariste Corbeyran mais aussi les preuves qu'a faites Grun dans un tout autre registre BD : « La Conjuration d'Opale. »
Nous sommes en 2003 et le dessinateur est alors à Clermont-Ferrand à la tête d'un mi-temps très lucratif de graphiste-concepteur dans une agence de pub. Mais ils crayonne aussi dans un atelier avec les talentueux locaux Patrick Prugne et Hippolyte. « Eric (Corbeyran) a été intéressé par le dossier que je lui avais envoyé, via un copain bordelais Marc Moreno », raconte-t-il. « Un dossier très science-fiction mais en fait, j'ai été engagé pour une histoire qui se passe sous Louis XIII, où l'on croise le cardinal Richelieu (troisième indice !), Galilée ou Nostradamus ! »
Les quatre tomes de « La Conjuration d'Opale » (Dargaud), dessinés en couleurs directes, sont un succès... épuisant. « C'est un travail de recherche énorme pour camper des décors réalistes et cohérents avec l'époque », dit-il. « Quand s'ouvre le quatrième tome sur une vue aérienne d'Essaouira, il faut retrouver la ville marocaine d'avant les fortifications de Vauban ! Et ce n'est pas simple. » Dans les signatures de cette saga, on remarque au rayon ésotérisme et maléfices... un certain Nicolas Hamm, attaché parlementaire dans la vie normale. La politique est-elle sorcellerie ? Vaste débat.
10 h 40. On remarque un DVD du spectacle « Le Souffle du vent », créé il y a quelques années autour des arts martiaux (quatrième indice !). « Le producteur du spectacle souhaitait en sortir une bande dessinée », explique Ludo. L'éditeur 12 Bis a contacté... l'incontournable Eric Corbeyran et Grun, qui a pratiqué nombre d'arts martiaux chinois, était une nouvelle fois le pinceau idéal. L'album sort en mars aussi. Belle double actualité pour l'Artiguais : « C'est chouette de montrer les bébés qu'on a mis tellement de temps, seul, à travailler ! »

Un pied dans l'enfance
Le doute est son compagnon de route favori. « Je suis du caviar pour un psy, comme tous les artistes je crois », sourit-il. Par la fenêtre, le calme du milieu de matinée dans un lotissement de Gironde habitat (dernier indice !) : « Je ne suis pas au même rythme que les autres et pour les gens, notre métier est souvent un mystère complet ! » À 11 heures, il montre ses gouaches, ses encres, ses crayons, ses pinceaux. Un artisan qui a gardé un pied solidement ancré dans l'enfance.

Auteur : yannick delneste

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