Le rébétiko, késaco ? Dans les années 1930, c'était une musique popu-laire, mal élevée, tripale, frondeuse, qui faisait chavirer les quartiers mal famés d'Athènes. En une journée et une nuit d'octobre 1936, Prudhomme montre et, mieux encore, fait entendre comment cette musique est aussi un art de vivre résolument à la marge, rebelle par nature, tel qu'incarné par cinq personnages d'une mémorable envergure. Armés d'un bouzouki dont ils tirent des rythmes hypnotiques ou des lamentos déchirants, mis en condition et inspirés par le haschich qu'on fume intensivement dans les tékés (bars clandestins), Markos, Stavros et les autres, virtuoses-nés et glandeurs grandioses, un peu dandys, un peu voyous, ne craignent ni la castagne, qui tient du rituel, ni la chasse à l'homme acharnée que mènent contre eux les sbires du dictateur au pouvoir, le général Metaxas.
La dimension documentaire est passionnante. Mais ce qui est réellement exceptionnel, c'est l'art avec lequel David Prudhomme fait le plein d'émotions, de sensations et d'incessantes petites surprises dans une histoire qui en est à peine une. Prendre le temps d'étirer le récit dans les temps morts, les creux, les parenthèses, les apartés d'une journée comme les autres, et en tirer un vibrant portrait de groupe qui fera date, ce n'est pas à la portée du premier venu.
De bout en bout, le dessin joint littéralement le geste à la parole : c'est de la vie en mouvement, en perpétuel (dés)équilibre, changeante comme la lumière, dansante, d'une énergie euphorisante. Avec Prudhomme, la musique n'a pas qu'une âme, elle s'incarne dans les pleins et les déliés des corps qu'elle habite au sens le plus fort du terme. Rébétiko est son chef-d'oeuvre.
Jean-Claude Loiseau dans télérama
Et samedi, Prudhomme dédicace à BD Fugue
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