dans Bordeaux 7 par Sébastien Le Jeune
Qui aurait parié sur 15 ans de durée de vie pour La Mauvaise Réputation, la librairie-galerie pas comme les autres du 19, rue des Argentiers ? Peut-être même pas ses deux fondateurs ! Rencontre à la veille de l’ouverture de leur exposition anniversaire et de chouettes événements à venir.
Mais avant toute chose, battons en brèche une idée reçue qui a le dent dure : non, La Mauvaise Réputation n’est pas “la librairie érotique de Bordeaux”. « C’est assez sidérant. Ça vient peut-être des gens de passage dans la rue, qui est sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Pourtant ce genre ne prend qu’une infime partie des rayons et ce n’est pas ça qu’on montre en vitrine. Bien obligé d’assumer l’inculture et le manque de curiosité des gens… »
Ce ton, volontiers moqueur et impertinent, c’est celui de Rodolphe, aussi connu sous son nom de plume, Urbs, dessinateur de presse pour « Sud Ouest » et « Le Canard enchaîné ». Avec son complice Franck, ils montaient en 2002 ce lieu unique à Bordeaux. « J’avais un mal fou à trouver ce que j’aime… ou ce que je ne connais pas, reprend Rodolphe. Il fallait aller à Paris pour trouver du bon polar, de la littérature érotique… Des genres marginaux à l’époque. »
Franck y a ajouté sa patte art contemporain, un « projet avec galerie » : « Notre envie, c’était de montrer autrement le livre, la BD, les beaux-arts. Ce n’était pas à proprement parler un pari, on y croyait. Mais on ne pensait pas que ça serait si difficile… et ça le reste. »
Le boom des “mauvais genres”
Et pourtant les choses ont tout de même bien évolué pour leur librairie. Aujourd’hui, on y trouve une incroyable variété de livres en tous genres, des BD en import, des raretés, des beaux-livres sur des niches allant de la mode de rue au punk-rock, de la propagande soviétique au street art, du voguing au tatouage… « Notre clientèle nous a aidé à affiner les rayonnages, se souvient Rodolphe. Mais quand on a ouvert, on n’imaginait pas que les “mauvais genres”, les sous-cultures et contre-cultures allaient devenir mainstream ! Maintenant toutes les librairies ont leur rayon graffiti et, à part ma mère et le pape, tout le monde est tatoué. »
Les rayons naguère épars sont désormais pleins à craquer, les affiches montent jusqu’au plafond. Au point que la galerie a dû migrer il y a un an dans son propre espace, au pas-de-porte d’en face. « Un white cube à la parisienne, s’excuse presque Franck. Mais ça nous permet beaucoup plus de choses, comme l’accueil des sculptures au sol de Laurent Le Deunff récemment. Le fait d’avoir la galerie attire plus de monde, parce que les choix éditoriaux de la librairie et ceux, artistiques, de la galerie vont dans le même sens. »
Amitiés et fidélités
Le Deunff, un grand nom pour un si petit lieu – tout comme Thierry Lagalla, qui viendra à l’invitation du duo faire une performance au Café Pompier à l’occasion du Week-end de l’art contemporain, à la fin du mois. « Ce sont des relations d’amitié qu’on a nouées au fil du temps, explique Urbs. Comme avec la bande de “Charlie Hebdo” : Luz et Willem passaient tous les ans ou presque, et Charb était devenu un véritable ami. » Fidélité des éditeurs aussi : c’était sur leur stand qu’Actes Sud avait placé Mathias Énard, le dernier Goncourt, à l’Escale du Livre.
Ce jeudi, l’expo « Badass» [“dur à cuire”] mettra en avant quatre artistes montants de la scène hexagonale (vernissage à 19h). À venir, les venues de Fanfan, le chanteur du groupe punk culte Bérurier Noir (samedi si tout va bien), et d’une animatrice radio pas ordinaire… Brigitte Lahaie. On ne se refait pas.
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