Sur ouest par Propos Maéva Louis
Un collectif contre le viol
Le Médocain David Gouzil croque chaque semaine l'actualité locale dans « Sud Ouest ». Il participe à un ouvrage sur un sujet très sensible : la pédocriminalité
Peut-on rire de tout, y compris d'un fait de société comme les violences sexuelles dont sont victimes les enfants ? Voilà une délicate question à laquelle David Gouzil a répondu, après réflexion : « oui ».
Ce spécialiste de l'humour, employé à la mairie de Saint-Estèphe la semaine et dessinateur pour « Sud Ouest » le samedi, s'est lancé dans une aventure osée : évoquer frontalement l'inceste et la pédocriminalité dans ses dessins, sur un mode humoristique, au sein d'un collectif d'artistes travaillant dans toute la France, les Moutons noirs. Le résultat : « Rien vu, rien entendu », une bande dessinée satirique à plusieurs mains qui explore de bout en bout un sujet « un peu tabou ».
Vous signez trois planches différentes dans « Rien vu, rien entendu ». Quel a été votre rôle dans l'élaboration du livre ?
Sandrine Apers, la coordinatrice, a fait appel à des dessinateurs, des coloristes et des scénaristes. Moi, j'ai préféré bosser tout seul. J'ai trouvé le projet intéressant car c'est un collectif de dessinateurs où pas grand monde ne se connaît. Ensuite, Sandrine a posé les bases et c'est resté vraiment libre. Avec une consigne : ne pas faire que des blagues en rapport avec la religion !
Est-ce qu'on ressent de la honte à rire sur des sujets comme l'inceste ou la pédophilie ?
Non. Ce n'est pas du premier degré. Dans le livre, il y a un peu de tout ; de l'humour relativement trash, mais pas trop. On ne rit pas des gosses qui ont eu des problèmes, ni du fait en lui-même, mais on le prend avec un peu de dérision. C'est montrer du doigt les gens qui font ça.
Vous n'avez pas hésité avant de vous lancer ?
Je n'étais pas partant tout de suite, parce que c'est un sujet complexe. C'est difficile. Mais Sandrine a su convaincre tout le monde. Elle a dit qu'il fallait arriver à faire ouvrir les yeux aux gens parce qu'ils se voilent la face. Même avec de l'humour un peu décalé, un peu fort ; que c'était ce qu'il fallait.
Où avez-vous trouvé votre inspiration ?
Ce sont des trucs qu'on entend, à la radio le matin, ou à la télé. Ou alors des blagues, des anecdotes, qu'on se raconte avec les copains. Par exemple, l'un de mes dessins est directement inspiré de l'affaire Dutroux.
Avez-vous parfois eu peur d'aller trop loin dans l'humour ?
Non, jamais. Je savais ce qu'il ne fallait pas dépasser. Il aurait été possible d'aller beaucoup plus loin, de faire des trucs vraiment « hard », « trash ». Mais ça ne m'est pas venu à l'idée. Il y a beau avoir des blagues un peu crues, on a un minimum de respect pour le lectorat.
Comment ont réagi les gens de votre entourage qui ont lu le livre ?
Les réactions sont mitigées. Certaines personnes ont du mal avec l'humour sur ce sujet. Mais la majeure partie des gens sont contents de voir que quelque chose se fait pour en parler. Je suis tombé sur des gens qui, au début, étaient complètement opposés, puis qui, après l'avoir lu, ont changé leur fusil d'épaule.
À qui ce livre est-il destiné ?
Aux adultes. Le but, c'est que les gens ne passent pas les faits sous silence. Il faut faire quelque chose pour que ça incite les gens à se bouger. Sinon, rien n'évoluera. Depuis, pas mal de dessinateurs veulent intégrer le collectif.
Rien vu, rien entendu, paru le 9 mai aux éditions "Les Points sur les i" (18,25 €). L'ouvrage est diffusé dans les librairies et sur Internet. Renseignements et vente sur les moutons noirs et i-editions
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