samedi 8 mai 2010

Oscar Hibou met les bouts

sud ouest du jour

Dans trois semaines, la librairie des enfants appartiendra au passé. Oscar Hibou, vingt-cinq ans d'existence, dépose le bilan après trois ans de bagarre

David Fournol, patron de la librairie Oscar Hibou, rue Huguerie a déposé le bilan. photo fabien cottereau

La faute à qui ? Aux enfants qui ne lisent pas assez ? Aux parents qui n'achètent pas assez de livres ? Aux supermarchés du bouquin dévoreurs de clients, aux maisons d'édition, aux banques, aux écrivains, au réchauffement climatique ? Oscar Hibou ferme. La librairie jeunesse de la rue Huguerie où l'on entrait comme chez des copains tire le rideau. Dépôt de bilan après trois ans de lutte acharnée et vingt-cinq ans d'existence.
David Fournol aura tout tenté. Créé en 1983 par Pierre Genest et Manuel Cendoya, Oscar Hibou avait pour vocation de travailler en direction des collectivités, bibliothèques et écoles, dans le rôle de prescripteur. « À nous de sélectionner des nouveautés, de les conseiller aux collectivités afin qu'elles les achètent. Nous avions un rôle de passeur, de dénicheur de talents, afin de sortir des sentiers rebattus. Lorsque j'ai intégré l'équipe d'Oscar Hibou, je l'ai fait avec ce désir-là », se souvient David Fournol.

Soumis à la loi Lang
Lorsque Pierre Genest a quitté la librairie, David a repris l'affaire dans le même esprit. Il a réinventé le lieu, rue Huguerie, des travaux qui ont coûté cher, et embauché deux libraires. Le livre est un commerce à part : il n'enrichit pas. « Nous sommes soumis à la loi Lang depuis 1981. Lorsqu'un livre coûte au client 12 euros, notre marge est très réduite. Or, avec cette petite marge nous devons payer les charges, taxes, impôts, salaires. En six ans, les banques sont devenues frileuses, de plus en plus. Jusqu'à nous lâcher. Pas assez de bénéfice. »
Pourtant, Oscar Hibou est le référent de 90 bibliothèques en Gironde, les commandes passent toutes par David Fournol et son équipe. Un vrai marché.
« L'avantage pour nous, c'est que les collectivités sont une valeur sûre, elles commandent et elles payent. L'inconvénient, c'est qu'on achète les bouquins en avance tandis qu'elles payent leurs échéances en retard. Et nous n'avons pas les reins assez solides pour attendre. »

Soutien militant
Pendant ces trois années de galère, Oscar Hibou a tenu grâce aux subventions de l'État, la Région. Les bibliothèques de Bordeaux, Mérignac, Pessac, Gradignan et partout en Gironde ont joué le jeu. Ont tenté d'inverser la vapeur, les commandes livrées une fois l'argent versé par exemple. « Et nos clients ont été vraiment exemplaires. Ils ont parlé autour d'eux de notre situation, ils ont avancé de l'argent avant même que le livre soit arrivé. Des petits actes militants. Mais tout ça n'a pas suffi. »
Amandine et Delphine, les deux libraires salariées d'Oscar Hibou, ont le cœur gros. « Ben oui on est vraiment tristes, avoue Amandine. Oscar c'était ma deuxième maison. On pouvait bosser en toute liberté, selon nos goûts, notre désir de défendre un auteur plutôt qu'un autre. Nous n'étions pas formatées et c'est ce que les gens aimaient. En ce moment tous les stagiaires qui sont passés ici défilent. » Un deuil.
À Bordeaux, il n'existe désormais que deux librairies indépendantes consacrées à la jeunesse. Comptines, rue Duffour Dubergier et « Le Petit Chaperon rouge » avenue Thiers. Toutes deux désolées de voir disparaître leur aînée. « On a laissé une empreinte, ose Amandine. Dans le quartier. Le goût de la lecture pour plein d'enfants. La confiance était acquise. »

Commentaire sur le site du journal de MIREILLE PENAUD
Pas facile d’être libraire aujourd’hui ! Et une librairie qui dépose le bilan, c’est une très très triste nouvelle pour tous les militants du livre et de la lecture : je comprends la peine de nos confrères d’Oscar, et je la partage.
Toutefois j’aurais deux remarques sur l’article de Sud Ouest :
Sur la loi Lang : gardons nous de l’accuser ! Elle a sauvé la petite librairie de qualité en 1981, et préserve sa survie encore aujourd’hui. Il faut écouter et/ou lire André Schiffrin à ce sujet : il montre qu'il faut avoir une gestion terriblement rigoureuse dans ce métier, et ne pas espérer s’y enrichir...
Sur le droit d’aînesse : Comptines, première librairie spécialisée pour la Jeunesse de Bordeaux, a ouvert en 1978, soit cinq ans avant Oscar... ce qui n’enlève rien au mérite de Pierre Genest, qui a créé alors le concept de «Librairie spécialisée BD- Livres d’images »

2 commentaires:

  1. Les étudiants des métiers du livre perdent un lieu de stage !
    Petite analyse de la situation là :

    http://littexpress.over-blog.net/article-oscar-hibou-pourquoi-50045210.html

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  2. Une (petite) interviouve post-mortem ici :

    http://plumeceleste.net/wordpress/culture/la-fin-dune-histoire-fermeture-de-oscar-hibou/

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donc, tu voulais dire quoi ?