mardi 23 mars 2010

Une souris et des femmes

sud ouest du jour

EXPÉRIENCE. Le centre d'information sur le droit des femmes a invité une auteur de BD à participer à un stage emploi s'adressant à des femmes en difficulté. Un livre est né...

Sandrine, Laurence Reiss (directrice CIDFF) et Marie-Françoise Raybaud

On dit « auteur-reu ». Il suffit de s'habituer à cette nouvelle orthographe. Au Centre d'information sur le droit des femmes et des familles (CIDFF), pas intérêt d'oublier le « reu » sous peine de se faire rappeler à l'ordre. L'association milite pour la mise en oeuvre de l'égalité entre les hommes et les femmes, à tous les niveaux. Même syntaxique.

Accès au droit, accompagnement vers l'emploi, lutte contre les violences conjugales, actions de prévention en faveur de l'égalité, de la parité, etc. 6 000 personnes poussent la porte des CIDFF en Gironde chaque année pour une info, du soutien voire créer une entreprise.
Sandrine Revel, elle, a été invitée. Cette bédéiste reconnue a participé pendant huit mois à un stage d'accompagnement vers l'emploi et la création d'entreprise avec une dizaine de femmes, toutes en situation difficile. Sans boulot depuis longtemps, elles sont déconnectées du monde du travail, certaines même n'y ont jamais été connectées.

« J'étais une petite souris, raconte Sandrine Revel. C'était un peu bizarre comme place. À la fois un témoin qui observe, quelqu'un qui les apprivoise, puis les écoute. Je n'étais pas animatrice de la formation, mais plutôt à côté. »
Marie-Françoise Raybaud, coordinatrice insertion professionnelle au CIDFF, précise à son tour : « Pour les stagiaires, le rôle de Sandrine a été très clairement défini. Elle était une auteure de BD, censée réaliser un ouvrage sur cette expérience de stage. Du coup, le rapport avec elle s'est inscrit petit à petit de façon très particulière. Et Sandrine a véritablement joué un rôle. » BD en librairie
Sandrine a donc suivi pas à pas la progression de chacune des stagiaires qu'elle écoutait avec bienveillance. Ni psy, ni partie prenante, juste une oreille attentive et affective. « Elles me disaient ce qui se jouait pour elles, elles ne me racontaient que ce qu'elles avaient envie de lâcher. Je n'ai jamais cherché à en savoir davantage, mais les échanges ont été généreux. J'ai su les moments de doute, de découragement, j'ai pu capter les embûches qui bloquaient les situations, et surtout, j'ai découvert une réalité que je ne soupçonnais pas. Il a fallu qu'elles retrouvent le chemin de la confiance en elles. Ces femmes étaient toutes très loin du monde du travail. Élaborer un projet, s'y tenir, ne pas lâcher, y croire ce fut une véritable aventure humaine. »

Depuis jeudi dernier, la BD réalisée par Sandrine Revel est vendue en librairie. Du noir et blanc, pas de cadre, du narratif, dans le jus de la vie telle qu'elle. « Le livre retrace toutes les difficultés pour les femmes de s'insérer dans la vie professionnelle, tout se mêlant, les problèmes personnels, les enfants, la confusion, le manque de confiance. On suit les étapes intimes de la prise de conscience et de confiance. Elles venaient devant moi, déposer leurs petites valises pour me transmettre leur vécu au regard de l'évolution de leur projet avec le CIDFF. Découragement, abandon, espoir... » Sandrine porte un regard curieux de petite souris, mais plein d'empathie avec ces femmes qui ont accepté de suivre ce parcours compliqué sous ses yeux.
Marie-Françoise Raybaud souligne que la présence de Sandrine a été un plus pour les femmes, dans le déroulement de cette formation. « Elle a joué un rôle non négligeable. Tout le monde savait qu'elle était là pour réaliser une BD. A priori, ça s'arrêtait là. Elle n'était ni psy, ni animatrice. Or, pour comprendre et analyser les situations, Sandrine avait besoin de conversations avec chacune des stagiaires. Du coup, il s'est installé une complicité entre elles. Les femmes ont pu confier des choses dont elles ne nous parlaient pas à nous. Sandrine n'étant ni juge ni partie prenante, mais seulement une écoute chaleureuse. » Invitée par Wauquiez
Résurgences la BD de Sandrine éditée par La Boîte à Bulles « parce que dans Résurgences il y a urgence et résurrection » précise l'auteure, a séduit le secrétaire d'état à l'Emploi, Laurent Wauquiez, également grand amateur de bandes dessinées. Du coup, sensibilisé par le projet du CIDFF en même temps que par la réalité de ces femmes au travail, il a invité Sandrine a présenté son livre à Paris. Il recevra en même temps, une stagiaire, Zoulika, qui à force de ténacité a monté sa propre entreprise à Bordeaux, à l'issue de cette formation. Une agence d'événements autour du Maghreb. Et ça marche !

Auteur : ISABELLE CASTÉRA

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