Article mis en ligne le 15 février, tiré du Sud-ouest Charente (oui, habituellement je ne lis que l'édition girondine, mais là, je cherchais un article sur le concert de cloture de Bord'images, et nib !) du 30 janvier
Prix Essentiel en 2008 avec Rabaté, David Prudhomme signe un album en solo sélectionné cette année. Quatre ans qu'une musique d'exilés lui trottait dans la tête
Il n'est pas Grec, ni musicien. Il ne fume pas le haschich... Et le mot rébétiko est loin de sonner comme une ritournelle. Peu de chance, donc, que ce courant musical qui claque comme une formule mathématique atteigne un jour David Prudhomme.
Mais, il y a des rencontres qui ne s'expliquent pas. Celle de l'auteur avec le rébétiko est de celles-là.
Tout a commencé dans un livre. Une Australienne y commentait le mouvement musical rébète appelé le blues grec. Accompagné d'un CD, l'oeuvre a trotté dans la tête de l'auteur pendant plus de quatre ans à la cadence d'un métronome. « J'étais intéressé par les questions que posait la pratique du rébétiko par ces exilés d'Asie mineure dans les quartiers malfamés de Grèce, raconte l'auteur. L'exil, la marginalité, les relations entre l'Europe et la Turquie... comme une pelote dont le fil s'évide à volonté. »
Biographies « traficotées »
L'auteur a tout de suite croqué en imagination une bande de copains rébètes, nonchalants et fumeurs de haschich dans les ruelles d'Athènes. « J'ai laissé ça de côté, et après quatre ans, ça s'est imposé. C'était mon projet en solo. »
Une plongée dans l'inconnu d'une musique très peu contée. Elle atteint son paroxysme dans les années 30, avant d'être sévèrement réprimée par une dictature à l'aube de la Seconde Guerre mondiale. « Je travaille beaucoup sur le quotidien, mais j'aime aussi une part de fantasme. Ici, je mêle les deux. Je raconte une fiction avec des morceaux autobiographiques de personnes qui ont existé. Une autobiographie "traficotée" ! »
Les noms, les visages taillés à la serpe de ces rébètes ont vraiment existé. Mais leur ivresse de vingt-quatre heures, romancée en BD, relève de l'invention.
Et la musique, vraie protagoniste de l'histoire ? « Ah ça, je n'y ai pas touché, c'est sacré, rassure le dessinateur. Les traductions sont réelles. Bon, après, je pense qu'on perd pas mal du sel de cet argot. »
La couleur, enivrante, accompagnée de la fumée des narguilés rend vie à la mélodie rébète. Les volutes deviennent paroles de ce rébétiko libre de dire ce qu'il pense. « Mais ce n'est plus comme avant », révèle David Prudhomme. Cette musique court après une époque dorée réservée aux adeptes qui la comprenaient. Stavros, un des héros rébètes de la BD, fait ainsi la leçon à son compatriote venu des États-Unis pour le faire signer dans un label : « Regarde les hommes du port autour de nous. Ils viennent ici pour s'étourdir des vérités qu'on leur chante, nos vies sont liées... »
« Dans un café en Grèce, ça m'a sauté à la gueule », confirme l'auteur. Le rébétiko est devenu populaire et chacun l'interprète à sa façon. « Les gens dansaient heureux et joyeux, mais en décalage avec les paroles. Il s'agit de chanter des trucs comme "le gars à qui je dois du pognon ne le reverra jamais...". Ces choses-là, maintenant, ça sonne un peu creux, alors je l'ai dit à la fin de l'histoire. »
Un livre témoignage
Pour cet ancien étudiant en section bande dessinée à Angoulême, cette nomination est une « belle surprise ». Ce qui le marque, c'est surtout la longévité de sa BD dans les librairies. « Être dans la sélection officielle va lui apporter encore un sursis ! Ce qui est un luxe. »
Guidé par sa curiosité, David Prudhomme n'en a pourtant pas fini avec cette musique qui colle à la peau. « Depuis l'album, j'ai reçu beaucoup de témoignages d'amateurs et de pro du rébétiko. Je pense peut-être les regrouper dans un livre. »
En attendant de penser à nouveau comme un rébète, l'auteur est reparti dans un projet collectif avec « une belle brochette de copains » pour une oeuvre sur l'art pariétal. « On a déjà sillonné pas mal de grotte dans le Sud-Ouest. »
Son ami Rabaté n'est pas loin non plus pour un travail sur les jardins familiaux.
Et pendant le festival ? « J'y viens depuis 1984, tout gamin ! C'est comme un Nouvel an entre amis, des fois je n'avais pas envie d'y aller. Mais je ne suis pas lassé ! »
Auteur : emmanuelle chiron
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