Sud-Ouest du 1er janvier
BORDEAUX
Claude Aziza et Cathy Rousset ont traduit en latin la BD à succès « Murena »
«Rosa, rosa, rosam, rosae, rosae, rosa »... Les déclinaisons latines, des générations de collégiens en ont fait des cauchemars. Cinq déclinaisons, six cas, singulier, pluriel, le tout à apprendre par coeur : pour un adolescent, l'apprentissage du latin n'a rien d'une partie de plaisir.
Mais aujourd'hui, ceux qui ont perdu leur latin depuis longtemps ont une belle occasion de s'y replonger. D'une façon un peu plus ludique. Les éditions Dargaud viennent de publier une édition en latin de l'une de leurs bandes dessinées vedettes, « Murena ». Cette série de Jean Dufaux et Philippe Delaby, dont le septième tome est paru en novembre, plonge le lecteur dans la Rome antique, sous le règne de l'empereur Claude et de son fils adoptif Néron. Particulièrement bien documentée, d'un réalisme saisissant, elle connaît un succès qui ne se dément pas depuis 2001. Au point d'avoir sa déclinaison latine depuis le mois dernier.
« Un brevet de noblesse »
À l'origine du projet, Claude Aziza, connu pour être le secrétaire général du Festival du film d'histoire de Pessac, mais qui est aussi maître de conférences honoraire de langue et littérature latines à la Sorbonne nouvelle (Paris III). « Tout est parti d'une discussion informelle avec le PDG de Dargaud, qui est un ami, raconte-t-il. Il avait envie de faire entrer la BD dans le système scolaire, question de légitimité et de prestige. » Voilà donc le projet lancé sous l'oeil bienveillant des deux auteurs. « Pour eux, voir leur BD traduite est un couronnement. Le latin, c'est un brevet de noblesse », confirme Claude Aziza.
Pour mener à bien ce travail titanesque, il se tourne vers une amie, Cathy Rousset, professeur de latin dans deux collèges bordelais (Grand-Parc et Cassignol) et à Bordeaux 3. « J'ai tout de suite été emballée », confirme la jeune femme. Même si l'enseignement en collège est intéressant, je ressentais un manque, j'avais un peu oublié le goût des beaux textes et j'avais envie de m'y replonger. »
Débuté en octobre 2008, leur travail s'achève neuf mois plus tard, après de nombreuses relectures et quelques prises de tête. Car le duo, plutôt qu'une simple traduction, s'est livré à une véritable adaptation : « On a voulu qu'un Romain qui aurait vécu du temps de Néron puisse comprendre l'histoire, explique Cathy Rousset. Impossible de faire référence à Jésus-Christ pour situer l'action dans le temps. Dans notre version, elle se situe donc dans la 808e année après la fondation de Rome. »
Profs et collectionneurs
Et c'est bien cette ambition élevée qui a convaincu Claude Aziza. « J'ai par exemple refusé de réaliser une version latine de l'un des derniers ''Astérix'', où il est question de soucoupes volantes. C'est comme traduire ''Tintin'' ou ''Le Petit Prince'', ça n'a aucun sens, ça ne fait travailler que la langue. Or, pour nous, la langue n'est pas une fin en soi, puisque de toute façon plus personne ne parle le latin aujourd'hui. C'est une porte d'entrée vers toute une civilisation, dont les traces sont toujours très nombreuses dans nos sociétés. »
Mais le duo ne se fait pas d'illusions. En dehors de quelques collectionneurs fanatiques de BD, leur version de « Murena » s'adresse principalement aux profs de latin. « Si on vend 3 000 exemplaires en trois ans, ça sera déjà bien », avoue Claude Aziza. « Si les profs l'utilisent comme support lors des cours ou font appel à nous pour intervenir dans les classes, ce serait fantastique », renchérit Cathy Rousset. Histoire de montrer que le latin, ce n'est pas seulement des déclinaisons.
Auteur : Kevin leroy
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